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Photo du rédacteurSébastien MARIE-CALIXTE

[ENQUETE] CITIZENSHIP BY INVESTISSEMENT : COMMENT LA VENTE DE PASSEPORT EST ELLE UN OUTIL AU DEVELO




Salut les caribéens,


Plus d’une année de sommeil, sans publier, je ne saurais vous dire à quel point, cela m’avait manqué. Une année à suivre l’actualité caribéenne (et il s’en est passé des choses) sans pouvoir la commenter et partager avec vous.

2022 fut une année riche dans la Caraïbe : Election anticipée à la Dominique, Saint-Kitts, le renouvellement des leaders caribéens qui s’opère petit à petit, la crise politique et institutionnelle sans précédent en Haïti … Même s’il est un peu tard, mais je voudrais savoir ce qui a retenu votre attention dans l’actualité caribéenne que vous avez entendue.

Pour 2023, nous allons reprendre petit à petit. Après une longue période de réflexion sur la structuration et l’offre, j’ai décidé de reprendre mon stylo. J’essaierais progressivement de vous proposer de nouveaux contenus sur les autres supports de communication. A suivre !


Qu’ont donc en commun, un vaste projet de construction d’un aéroport international à la Dominique et l’extension d’un terminal de croisière à Saint-Kitts ? Ces projets ont tous deux été financés par l’intermédiaire des programmes de CBI de leurs pays respectifs.

Je crois que dans cet article, le blog n’aura jamais autant bien porté son nom ! En effet, pour le retour du Passeport caribéen, nous nous intéresserons aux programmes « Citizenship by Investment » (Trad : Citoyenneté par Investissement) mis en place par cinq Etats caribéens : Saint-Kitts & Nevis, la Dominique, Antigua & Barbuda, Sainte-Lucie et Grenade.

Il est probable que vous ayez déjà eu écho de ce système sous la qualification de « passeport doré ». Toutefois, il est nécessaire d’aller au-delà de ces considérations et d’analyser l’historique, son fonctionnement, les opportunités et les limites des programmes CBI dans la Caraïbe.

Munissez-vous de vos passeports (non dorés) et commençons !



Citoyenneté par Investissement : Mode d’emploi !



Initié pour la première fois en 1984 par le Gouvernement de Saint-Kitts, nouvellement indépendant, les Citizenship by Investissment (CBI) sont des programmes nationaux permettant à des individus d’obtenir la citoyenneté en échange d’investissements dans le pays et moyennant une somme fixée par le Gouvernement. Sur le papier, l’objectif est simple : attirer la richesse par un investissement rentable au développement du pays.

L’avantage de ces passeports est qu’ils permettent à leurs propriétaires de payer moins d’impôt sur les revenus, être garanti de se déplacer dans plus de 120 pays sans restriction de visa, ce sans obligation de résidence dans le territoire.

Carte des Etats caribéens proposant un programme de Citoyenneté par Investissement (à compléter) Petit à petit, ces programmes se sont développés dans l’ensemble des Etats membres indépendants de l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (OECO), sauf Saint-Vincent et les Grenadines.

En 1993, le Commonwealth de la Dominique dirigé par la Première Ministre Eugenia Charles adopte également un programme de citoyenneté par investissement afin de financer les travaux d’infrastructures mis en place par son gouvernement.

Aussi, plus récemment, Antigua & Barbuda (2013), la Grenade (2013) et Sainte-Lucie (2015) ont emboîté le pas.

Cette affirmation progressive de ces Etats à initier des programmes CBI s’explique leurs petites superficies ne permettant pas la mise en place d’économie d’échelle. Hormis Trinidad & Tobago pour qui le pétrole représente près de 80% des exportations, le secteur industriel est quasi-inexistant dans les Etats de l’OECS. Ainsi, les économies reposent majoritairement sur le tourisme, mais aussi l’industrie d’exportation et la finance off-shore.

Ainsi, le CBI est une source de revenus non-négligeable facilitant le développement de politique de grands travaux. En 2020, le Programme de Citizenship by Investment a rapporté à Saint-Kitts et Nevis plus de 270 millions de dollar, soit 12% du PIB.



« Choisissez votre option d’investissement »



Souvent perçu comme très opaque, nous tenterons au cours de cet article de vous dévoiler le processus d’application aux CBI des Etats caribéens.

Même s’il est vrai que les programmes sont similaires dans leurs mécanismes, nous avons choisi de s’appuyer sur ceux développé par Saint-Kitts & Nevis et La Dominique, vantés comme étant les meilleurs du monde.


Les modalités de candidatures aux programmes CBI sont définies chaque année par les gouvernements, qui missionnent l’organisme national en charge de la Citoyenneté par l’Investissement : les CBI Unit. Ces derniers ont une mission centrale dans le mécanisme des programmes ; en effet, ces derniers ont pour tâche d’effectuer la promotion des programmes, l’instruction des demandes d’admissions et de réaliser l’enquête de moralité.

Les CBI Unit proposent plusieurs options d’investissement déterminées selon les orientations politiques mis en place par les gouvernements respectifs. Ainsi, Saint-Kitts propose 3 options d’investissements :

- Contribution au Fond pour la Croissance Durable de 150 000 $ minimum (le prix fluctue selon le nom de personne dans le foyer), permettant de financer des projets structurant pour la population et le développement de Saint-Kitts & Nevis (écoles, hôpitaux …)

- Investissement immobilier (hôtel, villas …) de 150 000 € minimum,

- Achat d’une résidence privé d’une valeur minimale de 400 000 €,


Enfin, quel que soit les pays, les dépôts de candidature aux programmes de citoyenneté par investissement s’effectuent exclusivement via des agences certifiées par les gouvernements. La majorité de ces prestataires agréées sont soit implantés localement ou dans des Etats alliés tel que les Emirats Arabe Unis, au Pakistan, en Grèce ou encore en Russie.



La citoyenneté peut-elle être vendu ?



En novembre 2021, le Gouvernement dominiquais a signé un contrat de maîtrise d’œuvre avec la société émiratis Montreal Management Consultants Development Ltd pour l’ingénierie technique et financière de la construction du nouvel aéroport international, mais également la construction de 12 centres médicaux à travers l’île. Cependant, cette dernière n’est nul autre qu’une filiale de MONTREAL MANAGEMENT CONSULTANTS EST. LTD, une des 36 agences certifiées pour conseiller et recevoir les candidatures au programme.

L’implantation de ces agences contribue à accentuer la méfiance des Etats occidentaux vis-à-vis des programmes de citoyenneté par investissement.


Sur ce sujet, Ralph Gonsalves semble bien seul à l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale ! En effet, c’est le seul chef d’Etat de l’OECO à s’opposer fermement aux programmes CBI. Selon lui, la citoyenneté ne peut être vendu en raison de son caractère inestimable et qu’il ne voit pas la durabilité de tels programmes pour le développement des territoires caribéens.


Ralph Gonsalves, PM de Saint-Vincent et les Grenadines

Toutefois, le sujet qui ne semble pas être clos s’est introduit dans la campagne des élections générales de 2020. Le parti d’opposition, le New Democratic Party, souhaitait développer un programme CBI à Saint-Vincent et les Grenadines, dans la lignée que ce que souhaitait initier feu James Fitz-Allen Mitchell.


Les failles d’un système


Cependant, c’est bien au-delà des frontières régionales que les programmes de citoyenneté par investissement trouvent leurs plus farouches opposants. Si bien que les médias occidentaux n’hésitent pas la qualifier de « passeport doré », sans toutefois y développer les tenants et les aboutissants.

En effet, même si ces programmes se sont exportés en Europe, particulièrement à Malte et à Chypre, il n’en reste pas moins critiqué, car l’opacité des systèmes favorise la fraude fiscale, le blanchissement d’argent et même le crime organisé. L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OEDE) a placé les cinq Etat caribéens sur sa liste de noire des systèmes ne respectant pas la Convention sur l’échange de renseingements en matière fiscale.

Critiques qui s’avèrent si bien fondés qu’elles s’illustrent par une série de scandale ayant émaillé les Etats caribéens proposant les programmes.

En 2016, Medhul Choksi, un millionnaire indien ayant acquis un passeport antiguais via le CBI local a été accusé de fraude de bancaire de 2,5 milliards de dollars. Bien que le gouvernement a immédiatement révoqué sa citoyenneté, il n’en demeure pas moins, qu’elle pose la question, non pas des programmes, mais de la fiabilité des enquêtes de moralité menées lors de l’instruction des candidatures.




Alireza Manfared et Roosevelt Skerrit lors d'un déplacement en Malaisie

En 2020, c’est une enquête menée par Al-Jazeera qui va ébranler La Dominique. En effet, le gouvernement est soupçonné de vendre des passeports diplomatiques en échange de financement de la campagne de l’actuel Premier Ministre Roosevelt Skerrit. Certaines de ces personnes s’avèrent être recherchés par la justice de leurs pays d’origine.

Mais l’enquête révèle le cas de Alireza Mondared, un homme d’affaire iranien condamné à 20 ans de prison en 2019 pour détournement de fond. Celui-ci aurait rencontré à plusieurs reprises des personnalités dominiquaises, dont le Premier Ministre qui l’a même nommé Ambassadeur de la Dominique en Malaisie. Une nationalité qui lui a été immédiatement retirée dès que l’affaire fut médiatisée en 2016.


Une chose est sûre, les Programmes de Citoyenneté par Investissement semblent s’être inscrit durablement dans les stratégies de développement de bon nombre de gouvernement caribéen, si bien qu’elle n’est plus contestée par les oppositions. Toutefois, la durabilité d’un tel programme peut être mise en place. On constate à Saint-Kitts que si le CBI a pu financer des projets d’envergure, ils sont l’arbre qui cache la forêt, car nombres d’investissements CBI sont abandonnés et n’arrivent pas souvent à terme.

L’opacité de ces programmes, le manque de coopération avec les organismes internationaux, renforcés par les multiples scandales, renforcent la méfiance de ces systèmes qui au final permettent la création d’une corruption institutionnalisée.



Sources :



Reportage Al Jazeera




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