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[DOSSIER] SAINT-VINCENT, LE RECIT D'UNE ERUPTION 1/2

Hello les caribéens,


Il y a quelques mois que je n'ai rien posté. Je m'étais promis de faire au moins, un article par mois, mais ce fut un silence productif qui me permettra de vous proposer de nouveaux contenus très bientôt.


Vous ne l'aurez pas échappé dans les chaînes d'informations, elle s'est même incrusté sur vos pare-brises, l'éruption de la Soufrière de Saint-Vincent a marqué l'actualité caribéenne des dernières semaines.


Un mois après le début de la phase explosive de l'éruption, je vous propose un retour sur la deuxième éruption majeure du XXIe siècle dans la Caraïbe (après celle de Montserrat en 2010).


Un point géographique et historique s'impose.

La Soufrière de Saint-Vincent est située au Nord de l'Île de Saint-Vincent. Le volcan est Issu du phénomène de subduction de la Plaque Caraïbe sous la plaque Caraïbe, à l'origine également de l'arc d'île volcanique (Saint-Vincent, Saint-Lucie, Dominique, Ile de Basse-Terre*, Montserrat, Saint-Kitts & Nevis ...), communément appelé "arc antillais".



Ce volcan est sous la surveillance du Centre de Recherche Sismologique (SRC) de l'University Of West-Indies (UWI) et dirigé par le Pr. Richard Robertson.


Au cours de l'Histoire connu, la Soufrière a eu trois éruptions explosives, dont deux d'un Indice d'Explosivité Volcanique de 4, c'est à dire forte et dégageant une colonne de fumée de 10 à 25km de hauteur :


- L'éruption de 1812 qui causa environ 80 morts et immortalisé par la toile du célèbre peintre britannique Joseph William Turner.

- L'éruption de 1902, causant la mort de près de 10 000 personnes. Soit l'éruption, la plus meurtrière qu'est connu l'île de Saint-Vincent.


(A noter que même si cette éruption intervient quelques jours avant l'éruption de 08 mai 1902 de la Montagne Pelée, elles ne sont aucunement liées. Chaque volcan ayant sa propre chambre magmatique et donc non relié entre eux.)



The Eruption of the Soufriere Mountains in the Island of St. Vincent - William Turner (1812)


La dernière éruption de la Soufrière se déroula en 1979, soit 10 ans après l'indépendance de Saint-Vincent et les Grenadines. Fort heureusement, elle ne fit aucune victime. Son indice d'explosivité volcanique fut classé à 3, soit modérée. La colonne de cendre atteignit 19km d'altitude.


UN REVEIL SOUS OBSERVATION


Alerté par le SRC qui a constaté l'augmentation de fumerolles et de séismes dans la caldeira de la Soufrière, le 29 décembre 2020, le Gouvernement de Saint-Vincent et les Grenadines place le nord de l'île en alerte orange. Cette alerte préconise à la population des villes de Fancy à Georgetown et de BelleIsle à Richmond de se préparer à un risque d'éruption et de se tenir informée de toutes consigne d'évacuation.


Explications : Les volcans de l'arc antillais sont considérés comme des volcans gris, le magma possède une apparence épaisse et visqueuse et est composé de roches andésites et/ou riolites. Ces derniers refroidissant mal, prennent une couleur grise en surface et forment un dôme volcanique. Les gaz présents dans la chambre s'échappent à travers ce dôme à travers les fumerolles.


Le 23 mars 2021, des changements dans l'activité sont observés par les scientifiques de la UWI : des séismes de basse-fréquences et des trémors sont enregistrés par l'Observatoire de Belmond. Ces derniers sont ressentis par les populations vivant au bord du volcan.


Explication : Les trémors sont un type de séisme volcanique résultant directement de la remontée de magma frais vers la surface. Ce type de séisme est souvent indicateur d'une éruption explosive imminente (jours ou semaines).


Le 08 avril 2021 à 10h00 : Une premier communiqué indique que les émissions de gaz et les fumées ont augmentés.

16h00 : L'ordre d'évacuation est donné par le Gouvernement, le risque d'éruption explosive est imminent.


Le 09 avril 2021 à 08h41 : la Soufrière entre dans sa phase éruptive explosive. Une épaisse colonne volcanique s'élève jusqu'à 20 km d'altitude. Portée par un vent soufflant, le nuage de cendre se dirige vers l'Océan Atlantique et touche durement la Barbade. Le Gouvernement barbadien fût contraint d’appliquer des mesures d’urgence sanitaire, de fermer son espace aérien et de ralentir le fonctionnement économique de l’île pendant une semaine


Plusieurs explosions ont été observées les jours qui suivirent celle du 09 avril, dont la coulée pyroclastique (nuées ardentes) du 12 avril 2021 dans la circonscription de Chateaubelair (Nord-Ouest de l'île).

De plus, l'épisode pluvieux qui a touché Saint-Vincent et les Grenadines, les 29 et 30 avril ont contribués au développement du phénomène de lahars, c'est à dire des coulées de matières volcaniques instables, observées dans la zone rouge et orange. A ce jour, des coulées de boue sont encore signalées dans la zone rouge.


UNE GESTION DE CRISE CARIBEENNE BIEN COORDONEE



Dès l'annonce de l'alerte orange, le dispositif de surveillance scientifique de la Soufrière a été renforcé par le Centre de Recherche de l'Université des West-Indies, en collaboration avec le Centre Caribéenne de Gestion des Crises Naturelles (CDEMA).


Le CDEMA est une institution de la CARICOM spécialisé dans la gestion des catastrophes naturelles dans les Etats membres de la Communauté Caribéenne (exemple : Ouragan Maria en 2017 à la Dominique). Elle a pour objectif d'apporter une assistance technique et de coordonner l'aide d'urgence apporter lors des catastrophes.


Au niveau national, la National Emergency Management Organisation travaille en étroite collaboration avec le SRC et le CDEMA, afin de communiquer les informations relatives à la surveillance du volcan, mais aussi de préparer la logistique d'évacuation et de secours d'urgence.

Ces derniers, sous le contrôle du gouvernement, ont préparé l'évacuation de la zone rouge.


Un plan d’évacuation a donc été communiqué où 105 hébergements d’urgence qui accueilleront près de 20 000 personnes selon leurs localités.


Les consignes d'évacuations ont été communiquées aux populations résidant des localités de Fancy à Georgetown et de BelleIsle à Richmond, ainsi que des mesures de protection contre les retombées de cendre des phases éruptives explosives.



Communication de consignes d'évacuation de NEMO


Dans l'après-midi du 08 avril 2021, le Premier Ministre Ralph GONSALVES donne l'ordre d'évacuation de la "Red Zone", soit près de 15.000 personnes. A la logistique d’évacuation de NEMO, se forme une véritable solidarité vincentaise. Des réseaux se forment permettant l’évacuation par voies terrestres et maritimes de personnes isolées.


Environ 6500 personnes sont actuellement hébergées dans les 85 abris d'urgences ouverts par le gouvernement. Les autres foyers ont trouvé refuge auprès de logements privées (familles, amis ...).


L’ouverture des écoles, prévue pour le 12 avril 2021 en raison de la pandémie de Covid-19, a été repoussé à une date ultérieure. De plus, une partie des établissements scolaires servant donc de refuges, les autorités ont annoncé le 30 avril 2021, la construction des écoles temporaires temporaire sur le tarmac de l’ancien aéroport international E.T Joshua.

Les cours continuent donc d’être assurés en ligne.



UNE REPONSE CARIBEENNE QUI NE S'EST PAS FAITES ATTENDRE


Les Etats Caribéens ont été les premiers à proposer leurs aides au Premier Ministre Ralph GONSALVES, un élan de solidarité qui a ému le Premier Ministre lors de la Conférence de Presse.


Une réunion d'urgence des chefs d'Etats de l'OECS s'est tenu le 12 avril 2021, sous la présidence du Premier Ministre de la Dominique Roosevelt Skerrit. Réunion au cours de laquelle, les états membres ont renouvelé leurs soutiens ; mais également où le Premier Ministre Ralph GONSALVES a présenté les problématiques à laquelle Saint-Vincent sera confronté, afin que les réponses matérielles apportés soient le plus opportun.


L'une des priorités soulignées par le Premier Ministre fut le manque d'eau potable. En effet, la distribution en eau potable a été fortement impacté par l'éruption ; en cause, l'assèchement des cours d'eau et la pollution due aux cendres rendant la ressource inconsommable. Ainsi, l'envoi de packs d'eau, de produits de première nécessité et de matériels de secours fut principalement l'objet des aides des Etats caribéens (Territoires britanniques et Collectivités françaises compris).



Trinity Falls avant l'éruption
Trinity Falls après l'éruption

Si tous les Etats ont ouvert leurs frontières en vue d'accueillir des ressortissants vincentais, peu de vincentais.es ont manifesté une demande d'évacuations vers les autres îles.

Egalement membre de l'Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), Saint-Vincent et les Grenadines a également reçu le soutien du Vénézuela et du Cuba qui ont envoyé un navire de fournitures d'aides, mais de renfort de six médecins cubains.

Les compagnies de croisière Carnival Cruise Lines et la Royal Caribbean Cruise Lines mettent à disposition deux navires de leurs flottes, respectivement, le Carnival Reflexion et le Serenade of the Seas.



La délégation de médecins cubains arrivée avec le navire humanitaire de l'ALBA
L'aide ALBA arrivé à Kingstown. En arrière-plan, le Serenade of the Seas à quai, mis à disposition par la Royal Caribbean Cruise Lines

L'espace aérien ayant été fermé pour sécurité, ces navires ont permis l'évacuation des ressortissants étrangers qui souhaitaient quitter l'île. Toutefois, après un important nettoyage de l'aérodrome, l'Aéroport International d'Argyle a pu réouvrir ses portes, le 24 avril 2021. Cette réouverture permettra de faciliter l'arrivée des aides techniques et matérielles, qui furent exclusivement par voie maritime.


QUELLES PERSPECTIVES POUR SAINT-VINCENT ?


Même si l'activité explosive du volcan a diminué ces derniers jours, la Soufrière continue d'être sous haute surveillance, l'éruption n'étant pas encore diminué.


A l'instar de l'éruption de 1979, les familles évacuées ne pourront surement pas retrouver leurs foyers avant quelques mois. Lors de la précédente éruption, les familles du nord de l'île furent contraintes de rester près de quatre mois dans les hébergements d'urgences.


L'aide ne cesse d'affluer sur le port de Kingstown où les aides gouvernementales et celles des associations de solidarité sont quotidiennement pris en charge par NEMO, afin qu'elles soient redistribuées à la population.


Quelques personnes ont pu, malgré le danger, constater l'étendue des dégâts des pluies de cendre sur leurs propriétés ou encore exploitations.


Le Ministre des Finances, Camillo GONSALVES, a déclaré au journal économique Bloomberg que l'économie de le PIB de l'île risquerait d'être réduit de moitié. Le secteur agricole a été très durement touché par l'éruption ; "presque 100% de la culture maraîchère".



Végétation dévastée par l'épaisse couche de cendre volcanique ©SRC-UWI


Si à ce stade, il est encore trop tôt pour faire le bilan économique de cette catastrophe, les défis seront de taille pour le gouvernement GONSALVES, fraichement réélu en octobre dernier : redémarrage du secteur agricole, fourniture de l'aide d'urgence aux personnes évacuées (environ 5 millions de dollar par mois).


Déjà touché par la pandémie du COVID-19, le tourisme, l'autre ressource du pays est actuellement au ralentit.


Des soutiens financiers qui n'ont pas tardé à être débloqué. Hormis les Etats de l'OECS et de la CARICOM qui apportent leurs soutiens financiers à travers la Banque Centrale Caribéenne. L'Organisation des Nations Unis a lancé un appel de fond de 27 millions de dollars pour aider les personnes évacués, alors que la Banque Mondiale qui a débloqué 20 millions de dollars pour la reconstruction du pays.

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Remerciement à l'équipe de Be Ready F.W.I pour leurs informations sur le contenu scientifique de l'article. N'hésitez à suivre leur compte Instagram.

*L'île de Grande-Terre faisant partie de l'arc ancien, allant des îles sous le vent à la Barbade.

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